Mon voyage en Corée du Sud a débuté le samedi 8 décembre 2018, lors de la 6e édition de la « Symphonie Amicale », organisée par Kowin, association des femmes coréennes en France.
Déjà heureux de prendre part à cette belle soirée malgré les moyens déployés par les gilets jaunes pour m’en empêcher, je bascule dans une joyeuse incrédulité quand je remporte le premier prix de la tombola : un billet d’avion pour Séoul ! Après être monté sur la scène et avoir regagné ma place, je me tourne vers mon plus proche voisin, lui aussi d’origine coréenne, et lui dis
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Je ne sais pas comment je vais faire, je n’ai pas de passeport et je n’avais pas du tout prévu d’aller en Corée l’an prochain.
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Ne t’inquiète pas, me répond il en riant, s i tu n’as pas de passeport, moi, j’en ai un et je suis
disponible. Tandis que nous quittons l’amphithéâtre où a eu lieu le tirage au sort, les personnes que je croise me félicitent et semblent ravies pour moi, y compris celles que je rencontre pour la pre mière fois. C’est à ce moment là que je prends conscience que le projet qui sommeillait gentiment depuis quelques années vient brusquement de se réveiller. Ce prix achève de donner une dimension exceptionnelle à mon quarantième anniversaire, fêté un mois plus tôt. A cette occasion, après de nombreuses années de résistance, j’ai enfin acquis un smartphone ! Mes camarades et amis de l’association Racines
coréennes riaient à coeur joie avec moi de mon retard technologique et se montraient pessimistes vis à vis d’un éventuel voyage en Corée : «avec ton sens de l’orientation et ton téléphone à touches, tu vas te perdre là--bas. La Corée du Sud, c’est high--tech, les Coréens vont rigoler. Sérieusement, il faut que tu sois connecté, ça te rendra service et tu y prendras goût ». Ils avaient évidemment raison et j’ai fini par renoncer à cette singularité dont j’étais si fier, sans savoir que ce changement de paradigme faciliterait mon départ en Corée quelques mois plus tard !
Je remercie Madame Kang, présidente d’alors de l’association Kowin, pour ses conseils et pour m’avoir mis en contact avec son fils qui m’a donné à son tour de précieuses informations.
J’assisterai dorénavant à la « Symphonie Amicale » aussi souvent que possible, y compris en
déambulateur. Je remercie Boris Choi, directeur marketing de l’agence Cofrance , de m’avoir proposé un circuit touristique et un mode de transport adaptés à mes difficultés de déplacement
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L’organisation du voyage fut parfaite de bout en bout. J’ai une pensée particulière pour Yo ung, notre guide, qui par sa gentillesse et sa sollicitude, a pleinement contribué à faire de ce premier séjour en Corée du Sud un souvenir inoubliable pour mes parents et moi. Young a ajusté le rythme des visites, a demandé et obtenu presque partout un fauteuil roulant, a souvent prêté main forte à mon père lorsque les pentes étaient raides et a acheté une petite marche pour me permettre de monter aisément dans le van.
Lundi 8 avril 2019, Séoul, quartier d’Insadong, Séoul
Nous arrivons à l’hôtel vers 17 h. La chambre est spacieuse et les lits sont confortables. Je ne
manque pas de m’affaler sur le mien dès mon arrivée mais je me relève rapidement. Dans la salle de bains, je découvre les toilettes, accompagnées du mode d’emploi expliquant comment actionner les différents jets d’eau et de nombreuses fonctionnalités que je n’ai pas utilisées, ni même comprises.
En revanche, je comprends immédiatement que l’abattant des toilettes est chauffé : c’est surprenant de prime abord mais rapidement très agréable, si bien qu e je m’y habitue sans difficulté. Mes parents et moi sortons de l’hôtel en quête d’un restaurant. L’enseigne de
Paris Baguette se dresse fièrement de l’autre côté de la rue. Curieux de découvrir les produits proposés, nous nous dirigeons spontanément ver s la célèbre chaîne de boulangerie coréenne. Je suis à peine arrivé devant la vitrine que je me mets à saigner du nez. Je me bouche la narine à la hâte avec un morceau de mouchoir en papier et cherche une poubelle pour jeter les autres morceaux.
A première vue, je n’en vois pas autour de moi. Au bout de quelques minutes, mon père aperçoit au loin, dans une rue adjacente, un homme qui semble glisser des objets dans une boîte. Il traverse la rue, revient quelques instants plus tard et annonce que la poubelle était en fait une boîte aux lettres. Pas une poubelle à l’horizon et pourtant, pas un papier ni un déchet ne traîne par terre ! Je fais donc comme tout le monde : je remballe mes mouchoirs dans ma poche.
Nous reprenons notre marche. Tout à coup, je tourne la tête et je me dis :
« tiens, il y a beaucoup d’Asiatiques tout de même. Ah, mais oui, c’est vrai, je suis à Séoul ! Ces Asiatiques sont des Coréens et ils ont le droit d’être là, ils sont chez eux après tout. C’est normal qu’ils soient si nombreux. C’e st moi qui ne suis pas d’ici malgré ma tête assortie aux couleurs locales ». Après 11 h de vol sans sommeil, 7 h de décalage horaire et une station prolongée sur les toilettes chauffées, un vaisseau a dû claquer ailleurs que dans mon nez.
=> Pour lire les récits de Nicolas Masson
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