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Les Victimes Françaises de la Prostitution Forcée Japonaise. Par Griselda Molemans

Dernière mise à jour : 15 janv. 2021



"SI VOUS NE RACONTEZ PAS

QUELQU'UN D'AUTRE

RACONTERA

POUR LES AUTRES"

Soixante-quinze ans après la capitulation japonaise en Asie du Sud-Est, la question persistante de la prostitution forcée n'est toujours pas réglée. Alors que le gouvernement japonais continue de nier tout blâme, des recherches récentes montrent que les quelque 500 000 victimes représentent 35 pays et villes-États. La France et la Polynésie française font partie de cette liste.












Depuis son invasion de la Mandchourie en 1931, rien n'arrête l'armée impériale japonaise. Partout où des garnisons s'installent, des ‘postes de confort’ sont ouverts: des bordels sous surveillance militaire où des jeunes femmes (Coréennes, Chinoises et Taïwanaises, appelées «femmes de confort»par euphémisme) sont quotidiennement violées de force par la soldatesque japonaise, à travers un système de prostitution déployé efficacement.

Dans les années qui ont suivi, l’armée impériale a étendu sa domination sur d'autres colonies européennes. La première d'entre elles est l'Indochine, alors sous administration franaçise. Sous la pression du commandement de l'armée japonaise, le gouvernement français de Vichy donne l'autorisation de stationner 6000 soldats japonais sur la frontière nord de ce pays avec la Chine.


Mais cet accord vole en éclat en moins de 24h : le 22 septembre 1940, les troupes japonaises envahissent le territoire, à Lang Son. La colonie française se composait alors de trois protectorats: Tonkin avec Hanoi comme capitale, Annam (Hué) et Cochin-Chine (Saigon), plus les royaumes du Cambodge (Pnom Penh) et du Laos (Vientiane).


Par l'intermédiaire de l'amiral Jean Decoux, le gouvernement de Vichy se plie aux exigences des Japonais et accepte toutes les demandes supplémentaires: 40 000 soldats japonais seront ainsi stationnés dans la région sud de la Cochin-Chine ; huit aéroports sont ouverts près de Saigon et des bases navales construites dans le port de Saigon et la baie de Cam Ranh. Au Cambodge, huit mille soldats sont stationnés dans des bases militaires à Siem Reap, Pnom Penh et Kompong Thom. En raison d'une importance stratégique limitée, seule une petite garnison est détachée au Laos.

Gris? 10-11-20 16:57


Les victimes cachées de la prostitution forcée japonaise en Indochine

Comparée aux autres territoires occupés, la présence militaire japonaise en Indochine est relativement limitée. Alors que le régime de Vichy reste un gouvernement fantoche, le Kempeitai, la police secrète japonaise, dirige un réseau national d'informateurs qui gardent un œil sur les troupes et les résidents français.

Des ‘postes de confort’ sont ouverts pour les soldats japonais, comme dans la ville portuaire de Nha Trang, située juste au nord de la baie de Cam Ranh. Un officier japonais y décrit la réalité quotidienne:

“Au lieu de m'exciter, j'avais plutôt l'impression d'être entré dans un monde grotesque. Faire la queue en plein jour, avoir des relations sexuelles devant les hommes qui attendent leur tour, puis l'image indélébile d'hommes sortant toujours avec leur pantalon à moitié ouvert. Au lieu de faire de moi un novice du sexe, de me faire sentir mieux, ce rituel qui se déroulait un tapis roulant dans une ambiance tendue, me rébutait: j'ai reculé.


L'expansion agressive de l'armée et de la marine impériales japonaises est étroitement surveillée par les puissances alliées, qui doivent elles-mêmes faire face à l'avancée imparable de l'armée allemande en Europe et en Afrique du Nord. Au cours de l'année 1941, toute l'Indochine française fut sous domination japonaise: les protectorats du Tonkin, de l'Annam et de la Cochin-Chine furent rebaptisés Annan ; le royaume du Cambodge devenait Kampujia et le royaume du Laos est renommé Raosu.

Simultanément, l'invasion de la Thaïlande est coordonnée depuis la baie de Cam Ranh en Indochine et depuis l'île de Hainan. Les troupes japonaises débarquent sur plusieurs villes côtières de l'isthme de Kra, dont Singora et Patani, et pénètrent dans le pays.

Une occupation de quatre ans suit au cours de laquelle des jeunes femmes sont victimes de crime de guerre à travers la prostitution forcée. En Indochine, mais aussi en Thaïlande, le long du chemin de fer de Birmanie, un projet de coercition mené par des prisonniers de guerre alliés et des ouvriers autochtones voit le jour.















Griselda Molemans







Un prisonnier néerlandais, Gerhardus van der Schuyt, parvient à entrer en contact avec l'une des jeunes femmes du camp de bûcherons à Linson. Au sommet de la colline, près du camp de travail se trouve le camp des officiers japonais, où sont soignés les officiers blessés du front birman. Un jour, un soldat qui devait couper du bois dans les parages voit passer un groupe de jeunes femmes. Il entame une conversation avec l'une des filles chinoises: “Elle travaillait dans la cuisine et m'a dit que les Japs avaient amené de force des jeunes femmes de Malaisie britannique, de Thaïlande, d'Indochine française et d'autres régions. Elle-même a eu la «chance» de pouvoir rester à Linson, mais d'autres femmes et filles ont été envoyées au front birman. Il y avait environ 20 femmes de réconfort à Linson dont la plupart étaient chinoises.”


Lorsque les armées alliées lancent une contre-attaque à partir d'avril 1944, la guerre commence lentement à tourner. Le 9 mars 1945, en Indochine, a lieu l'opération militaire “Meigo Sakusen”. Le coup d'État japonais visait à empêcher un soulèvement parmi les forces coloniales françaises, la France étant libérée de la domination allemande à l'automne 1944 ; et les troupes de l'armée alliée approchent maintenant de l'Asie du Sud-Est.

Dispersées dans la colonie, toutes les garnisons françaises sont envahies. Le long de la côte est, des combats ont lieu à Saïgon, Hanoi, Haiphong, Nha Trang et le long de la frontière nord avec la Chine.


Stratégiquement situé et protégé par une série de défenses, Lang Son abrite des habitants français et autochtones, dont des Annamites et des Chinois restés coincés. Dans la violence des combats, une jeune femme franco-tahitienne est traînée dans une salle de stockage par quatre soldats japonais. L'un d'eux la viole devant ses collègues. Après la reddition de la garnison française, les troupes japonaises rassemblent tous les habitants. Ils éxécutent un grand nombre de soldats et violent les Françaises pendant plusieurs jours dans des fermes et des “maison de jeux” (maisonnettes avec chambres séparées pour les relations sexuelles).


Dans un complexe de grottes voisin, un groupe de femmes françaises et vietnamiennes sont retenues captives puis transférées à l'hôtel des Trois Maréchaux. Parmi elles, se trouvent deux sœurs françaises. Sur ordre du lieutenant japonais Watanabe, un subordonné emmène les filles au bâtiment de la résidence confisquée. Le lendemain, elles sont violées par un major et un capitaine japonais. Dans le chaos, des soldats japonais prennent un groupe de jeunes femmes annamites qui vivent avec des soldats français. Leur destination est un bordel ambulant dans la région côtière de Tien Yen: les jeunes femmes sont obligées d'obéir aux soldats stationnés sur le terrain. Les femmes autochtones sont contraintes de se prostituer dans plusieurs régions.



Une mère et une fille françaises qui ont fui Lang Son sont arrêtées par des soldats japonais et maltraitées en chemin. Après que la mère a été tuée, les militaires ont agressé la fille à plusieurs reprises.
À l'ouest, le long de la frontière avec la Chine, à Hoàng Su Phì, le lieutenant japonais Shinichi Furukawa a emprisonné deux Françaises dans un bâtiment gouvernemental : une jeune fille de 14 ans et sa sœur de 19 ans, enceinte de deux mois. Après avoir violé l'aîné, il laisse les jeunes femmes comme butin de guerre pour les régiments qui approchent.


Les prisonniers de guerre militaires français doivent regarder impuissants alors que les deux jeunes femmes sont entraînées hors du bâtiment. Dans une pièce gardée d'un poste militaire, où sont installés deux lits, elles sont violées pendant pendant plusieurs jours par un groupe de cinquante soldats. Deux mois plus tard, Furukawa exécute la fille la plus âgée pour éviter qu'elle témoigne contre lui. Son collègue Taketsubo tue sa sœur.


Immédiatement après l'invasion de l'Indochine, le général Tsuchihashi a établi trois États clients: les royaumes du Vietnam, du Kampuchéa et du Laos. Sa 38ème armée impériale, qui comprend 55 000 soldats, est soutenue par un certain nombre d'unités navales. Le système de bordel introduit dans la région du Vietnam depuis l'occupation de septembre 1940 fonctionne toujours à plein régime.

Le Kampuchea jouit formellement d'un statut spécial puisque le jeune roi Norodom Sihanouk a déclaré l'indépendance de son royaume le 9 mars 1945, ceci à la demande du commandement de l'armée japonaise qui ouvre rapidement un consulat à Pnom Penh.


Au Laos, stratégiquement le moins important des trois États, l'administration française est en cours de démantèlement complet. Afin d'utiliser le territoire comme zone tampon, des troupes japonaises sont déployées dans un certain nombre de villes le long du Mékong, notamment Thakhaek et la capitale Vientiane.



- Demoiselle de la Paix, Berlin -


Si Vous Ne Racontez Pas

Quelqu'un d'Autre Racontera

Pour Les Autres...


Alors que le chef de bataillon Kyozo Yamaki ordonne à ses hommes de ne pas sortir la nuit, de tout payer et de ne pas violer les femmes, le commandant Masanori Sako tente de convaincre la population indigène par un discours se voulant rassurant sur les visées nippones:

«Il n'est pas dans notre objectif d'occuper le Laos. Nous sommes vos camarades et sympathisons avec vous. En même temps, nous sommes à la fois des peuples bouddhistes et jaunes. Travaillons ensemble pour obtenir l'indépendance du Laos.»


Néanmoins, les Japonais utilisent de force les Laotiens pour le travail et le confort sexuel. En attendant, les troupes alliées gagnent de plus en plus de terrain. Deux armes secrètes sont mises au point dans un laboratoire de recherche américain: une bombe à l'uranium et une bombe au plutonium. Lorsque l'ordre secret japonais d'utiliser le shobun (tuant tous les prisonniers de guerre et les civils) est divulgué, les deux bombes sont transférées sur l'îlot de Tinian.


Le 6 août 1945, “Little Boy” explose au-dessus d'Hiroshima, suivi du “Fat Man” au-dessus de Nagasaki, le 9 août. La destruction apocalyptique de ces villes n'empêche pas le gouvernement américain de bombarder, les jours suivants, d'autres villes japonaises dont Koromo et Nagoya, avec des bombes conventionnelles. Le 15 août, l'empereur Hirohito annonce la reddition inconditionnelle de son armée et de sa marine.

La justice pour les victimes en Indochine n'est pas venue après la guerre. Les éléments de preuve ont été transmis au Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient (Tribunal de Tokyo), qui a été calqué sur le Tribunal militaire international (procès de Nuremberg). Ils n’ont pas abouti à une condamnation. Cela vaut également pour le tribunal militaire de Saigon.

Avec les dernières «femmes de confort» toujours en vie, la question est de savoir si la France va demander justice au Japon pour ses propres victimes.






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