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A la recherche du goût de mon enfance l’univers culinaire du chef Zinho Jeong, Restaurant Marou

Dernière mise à jour : 27 janv. 2020



écrit par K. Yung, Ônomad


Cet article se donne pour ambition de retrouver la sensation de mes papilles gustatives comme je m’en souviens de mon enfance, à l’ouverture, en 2003, du « Marou », à Chevilly-Larue (94550)

La majorité des coréens habitant dans les grandes villes partent fêter le nouvel an dans les provinces, et leur terre natale en Corée.

À Paris, il suffit de se rendre dans les K-towns pour accueillir SEOLLAL, le nouvel an coréen, avec de nouveaux souhaits et des réflections sur l’année écoulée, sur les places merveilleuses à découvrir ou redécouvrir, sur les plats insolites à déguster … .

Le « Marou » est un de ces restaurants familiaux qui me permet de remonter dans le temps, où, assis proche du sol, à la manière traditionnelle coréenne, je peux revivre une ambiance des plus apaisantes dans un décor onirique mais sobre qui nous plonge, ma femme et moi, au coeur de notre pays natal : Jeonju.


À l’époque, tous les restaurateurs coréens ne misaient que sur le seul potentiel clients parisiens intra-muros. Personne n’avait considéré ouvrir un restaurant loin de Paris. Pourtant, la banlieue parisienne peut parfois réserver de bonnes surprises. Il faut, bien sûr, disposer d’une voiture car les transports en commun (RER B) sont assez loin : 15 minutes de trajet à partir de la Porte d’Orléans vers le sud du parc de La Roseraie / L’Hay les Roses. L’accueil chaleureux de l’épouse du patron, dans une tenue traditionnelle Hanbok, nous a rappelé « une authenticité bien de chez nous », cette année de 2003. La tradition ne s’arrête pas là : « Marou » est une petite pépite où l’on peut découvrir une cuisine coréenne authentique et créative de qualité.




- Le Chef : Au début j’avais engagé un assistant de chef coréen venant de Chine et malgré tous les efforts et études déployés pour s’approprier la cuisine traditionnelle de Corée, j’ai remarqué qu’il peinait à intégrer, dans ses mets, le goût de mon enfance. Cela tient au fait qu’il n’avait pas reçu en héritage notre cuisine authentique.


Durant mon enfance, mon grand-père, ministre des transports ferroviaires, organisait fréquemment des repas festifs en tant que Jonggajip (famille de l’aîné accueillant une clientèle familliale). J’avais alors l’opportunité de goûter autant de cuisines prestigieuses dont j’appréciais toujours le goût mémorable. J’ai eu alors l’obssession de recréer ces mêmes sensations gustatives en questionnant ma mère et ma belle-mère. Depuis quelques années, les jeunes étudiants en cuisine venant de Corée participent à l’amélioration et à l’harmonisation des goûts traditionnels qui habitent ma mémoire.


- Ô : Les portes et les fenêtres, qui étaient fabriquées avec le Hanji (papier traditionel coréen) et de bois, étaient très belles et permettaient une bonne aération du logis. Les maisons de types han-ok , évoquent le sentiment d’une vie confortable avec son mur d’enceinte en pierre et son jardin aménagé . Tout particulièrement, han-ok se reconnait par les ornements de la maison. Voilà une décoration Hanji, des paravents avec des caractères Hangeul coréen exposés sur la façade pour évoquer La Corée d’aujourd’hui. Tous ces éléments expriment la délicatesse de l’esprit coréen. C’est d’ailleurs grâce à ce paravent de la façade que j’ai pu retrouver facilement le « Marou ».


- Le Chef : Nos ancêtres aimaient vivre avec la nature. Pour faire leur maison de style hanok ou tchogajip, ils utilisaient du bois, de l’argile et de la paille. Cette paille de riz jouait un rôle de prévention contre les variations de température entre l’extérieur et l’intérieur. L’origine du nom Marou est deachung marou . S’il n’y a pas de goût, c’est que le chef ne connaît pas la recette. L’expérience et la mémoire du goût aident à améliorer la qualité avec des ingrédients sélectionnés.

La deachung marou est une maison ancienne, destinée pour la cuisine. On plaçait d’abord des pierres en ligne, puis on déposait les pots au-dessus. Ensuite, on allumait le feu et finalement on faisait cuire les plats.


-Goût de Jorim, Jjin mat : j’harmonise avec de l’huile de sésame, du sel et de la sauce de soja pour équilibrer et obtenir une meilleure délicatesse en m’inspirant du goût de mon pays natal en province, en mettant du piment, une laitue et des parfums traditionnels coréens.

-Chaque plat de viande ou de poisson est pré-mesuré selon le moment, le processus de cuisson et la température ;

Par exemple, pour griller sur de la porcelaine Tukbaegi, griller légèrement la peau de la daurade à la lampe torche (pour éviter le mélange du jus de la peau et le parfum de l’intérieur du poisson), puis je continue de griller en ajoutant la sauce. Ce processus permet de garder le goût délicat de sauce avec du parfum intérieur de poisson.

-J’applique ces différentes méthodes au fumé, et à la grillade de viande


- Ô : Seollal est le premier jour du nouvel, an ‘rat’, le 25 janvier 2020. (une dizaine de jours de la période 24-26 janvier en Corée). De l’extérieur, on ne peut pas se rendre compte de l’ambiance avec cette grande salle occupée à moitié par des tables traditionnelles du « Marou » (assis proche du sol). Tous les Coréens cherchent une place exceptionnelle en pensant à l’année achevée et en formulant les nouveaux souhaits pour le nouvel an. Quels plats peut-on découvrir spécialement pour SEOLLAL au « Marou » ?


- Le Chef : Nos ancêtres nomades vouaient aussi un culte au soleil et en espérant une harmonie entre la pluie et la chaleur confortable du soleil pendant la période hivernale dont les températures varient entre -3 et 20°C.



Ils faisaient le tteokgul (soupe du nouvel an) en forme ronde, en s’inspirant du soleil. Comme entrée ou amuse-bouche,

je recommande le DakGyeojachae (une recette un peu moins connue de poulet aux légumes et à la sauce moutarde que l’on déguste dans de petites crêpes de riz toutes fines). C’est parfaitement un petit soleil rond, entouré de feuilles de farine et de pâte de blé de diverses couleurs qui n’existent pas en France. En commençant ce petit morceau, on réfléchit et on dialogue sur les nouveaux projets de famille. La suite, ce sera du Guksoo (des nouilles de farine de blé) à 13E, du Pajeon (les galettes à la ciboulette) à 11.50E et du HaemulJeongol (grande soupe de fruits de mer assortie pour 2 personnes) à 42E pour le nouvel an familial

- Ô : Dans les années 2000, personne n’a osé ouvrir un établissement en Banlieue. L’écran géant des images et les musiques très élégantes donnent une atmosphère apaisante.


- Le Chef : Suite à mes études à l’Ecole de Cinéma de Toulouse en 93-95, j’étais devenu scénariste-cinéaste des productions cinématographiques DongA. Mais la crise financière IMF en Corée a tout bouleversé et j’ai racheté le fonds de cet ancien local de 3 étages. J’ai effectué une rénovation complète avec l’aide de mon épouse. L’ancien restaurateur « Euro » (Paris 9e fermé) m’a demandé de nombreuses fois pourquoi investir autant d’argent si loin de Paris …

Ma femme était graphiste-designer pour des magazines, des jaquettes de musique … . Tous les deux étions épuisés par une vie qui nous occupait jour et nuit. Et naturellement, notre couple ne voulait pas mettre le pied dans le monde de la vitesse parisienne et cherchions plutôt une vie confortable et heureuse en nous concentrant dans notre propre art culinaire. Nous avons donc consacré toute notre énergie à une rénovation totale des lieux. Aujourd’hui, nous sommes heureux ici avec une clientèle fidèle.






Menu « Marou » : €19.00 (midi et soir)

- 2 raviolis coréens, 2 galettes (1 ciboulette, 1 kimchi) ou 4 sushis au saumon

- Kalbi ou Dagkalbi ou Bulgogi grillé -Bibimpap



Le daechung marou

L’origine du « Marou » est le daechung marou, architecture traditionnelle de Corée : Le tchogajip et le han-ok. En général, il y a le deachung marou qui est la pièce centrale dont le sol est en parquet, avec, autour, les autres pièces (chambres, bureau...) avec le sol en terre battue. Le deachung marou comme séjour de l’appartement servait de lieu de passage entre les différentes chambres.



Le plus important, c’est qu’on devait enlever ses chaussures pour entrer dans la maison. C’est une tradition transmise de génération en génération jusqu’à aujourd’hui.



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